Septembre 14, 2023 - Vigneron·ne·s à la une - Aucun commentaire
Grégoire Aubrun - Domaine Le Chapitre, Gaillac : la super calme attitude
Rte du Cayla, 81140 Andillac
Le domaine du Chapitre est né en 2018, sur les terres de Gaillac, dans le Tarn. Grégoire Aubrun y a repris 4 hectares de vignes – mauzac, loin de l’œil, duras -, qu’il conduit en bio avec l’aide de sa jument Coquette. Doucement, sans se presser.
La combe du Chapitre
Situées sur le ban du village de Vieux, les vignes de Grégoire Aubrun sont un peu à part dans le paysage gaillacois. Nous sommes ici aux portes du plateau cordais, mais le paysage n’a rien de plat. C’est au contraire un décor rond, tout en collines et coteaux de causses, mot paysan occitan désignant ces terres de calcaire peuplées de genêts, génévriers, petits chênes, thyms…
Les vignes de Grégoire tapissent le fond d’une combe. D’un seul tenant et bordées par des bois, ces vignes reçoivent donc moins de soleil que celles sur le plateau juste au-dessus, un « défaut » qui, par les temps caniculaires qui courent, pourrait bien se transformer en avantage. Sauf quand il gèle, comme en 2021…« J’ai tout de suite aimé cet endroit », explique Grégoire, qui apprécie le calme et l’isolement du lieu, accessible uniquement par un petit sentier.
Les quatre hectares de vignes se répartissent entre des cépages ultra-locaux : le mauzac (1ha), le loin de l’œil ou lendelel (1ha), le duras (0,6ha), plus un peu de gamay (0,5ha). Le reste est en friches : comme beaucoup de vignerons du coin, il a dû arracher les vignes, contaminées par la cicadelle, insecte porteur de la flavescence dorée, une maladie fatale pour la vigne ; l’arrachage est obligatoire et indispensable, pour former un genre de « cordon sanitaire ». La parcelle sert aujourd’hui de pâture à Coquette la jument et à l’ânesse.
Trouver sa place
Grégoire Aubrun a quelque peu vadrouillé avant de trouver sa voie et son lieu. Ancien comédien, il a vite tourné le dos à Paris, pour s’envoler quelque temps vers l’Afrique de l’Ouest et du Nord. Un boulot dans un bar à vin et une dégustation choc de la Poignée de Raisin de Gramenon plus tard, Grégoire bifurque vers le vin. Il découvre « la convivialité des salons », « les Puzelat et leurs blancs », la famille Clairet à Arbois, puis les Jousset dans la Loire. C’est chez eux qu’il réalise le stage validant son bac pro du lycée viticole d’Amboise. Le Tarn, il y a passé toutes ses vacances d’enfant, et l’enthousiasme de Bernard Plageole finit par le convaincre. Cet incontournable vigneron gaillacois, chez qui Grégoire vendange en 2015, œuvre en coulisses pour faciliter l’installation de jeunes dans ce vignoble en déshérence.
Pour Grégoire, ce sera donc le village de Vieux. Trouver la vigne n’a rien de très compliqué. « Mais à la SAFER locale, ils ont contacté tous les agriculteurs voisins pour qu’ils préemptent et me fassent barrage. Il faut l’écrire, ça. Pour eux, des gens comme moi qui s’installent, c’est la fin de l’agriculture. »
« Un cheval, c’est un bon camarade. Je suis obligé d’être calme avec elle, c’est une vraie éponge. Et ça, ça me fait du bien. »
Grégoire Aubrun, vigneron sur le territoire de Gaillac.
Coquette, le truc en plus
Dès le départ, Grégoire intègre la traction animale dans son projet d’installation. Travailler la vigne avec un cheval, ça ne s’improvise pas. « J’ai un diplôme professionnel de ‘cocher’ », obtenu après une formation de six mois et un stage chez un maraîcher. Aujourd’hui, Grégoire n’a pas de tracteur, mais une belle jument nommée Coquette. Son rôle : tirer le pulvé pour les traitements, travailler les sols et, pendant les vendanges, tirer les caisses de raisin. « C’est une vraie contrainte, concède Grégoire. Mais j’aime ce lien au vivant. Pour moi, c’est un truc en plus. Un cheval, c’est un bon camarade. Je suis obligé d’être calme avec elle, c’est une vraie éponge. Et ça, ça me fait du bien. »
Malgré tout, Grégoire a pas mal « galéré » au démarrage. « Les vignes étaient en mauvais état, et je me suis laissé déborder. Travailler avec un cheval, ça m’a ralenti, ça m’a fait perdre de la récolte. Et j’ai encore du mal à joindre les deux bouts, quatre ans après… » En 2020, et malgré les coups de main réguliers d’autres vignerons, il a produit 72hl de vin au total, soit un rendement inférieur à 20hl/ha, dans une région viticole qui tourne sans se forcer autour de 60hl/ha. En 2021, le gel a réduit sa production à 5hl, en tout. Mais Grégoire n’abandonne pas. « Je suis persuadé que c’est mieux pour les sols. Et quand j’emprunte un tracteur, je déteste le bruit, les vibrations… »
Pour le vin, patience et sérénité
Avec des vignes aussi peu productives, Grégoire a nécessairement opté pour le négoce en 2020 et surtout 2021. Sur une année normale, il produit quatre cuvées, soit deux blancs (Tezeta et la Ruée) et deux rouges (Omnibus et Ras des Champs), plus un pet’nat’ (Le Mot Juste) en 2020. La cuvée Tezeta 2020 (un standard de jazz éthiopien) est un mauzac de (petite) macération, pour laquelle Grégoire a cherché la fraîcheur. « J’y retrouve les vendanges, le dernier jour, le soleil », décrit-il. La Ruée est une cuvée du cépage loin de l’œil vinifié en sec, un « vin de soif ». Côté rouges, Grégoire assemble tous ses cépages vinifiés séparément dans la cuvée Omnibus, pour « un équilibre plus complexe ». Le «Ras des Champs » est vinifié à partir de raisin duras (et s’appelle Jamais Navigué quand il y ajoute un peu de gamay). La saison 2022 a été plus généreuse en quantité… mais compliquée côté fermentations. Affaire à suivre.
Dans l’ensemble, les vins du Chapitre sont encore à l’état d’ébauche, Grégoire « cherche » encore son style et surtout ses raisins. Mais cela ne semble guère l’inquiéter. « J’ai observé les vignerons du Jura, là-bas c’est l’école de la patience et de la sérénité. Ils disent toujours d’attendre. » En attendant, donc, ce jeune vigneron a déjà fait le choix de présenter ses vins en vins de France et de bouder l’appellation Gaillac. « Par flemme, reconnaît-il. Et aussi parce que je suis assez pessimiste sur l’appellation, qui déclasse les vins qui font connaître le vignoble… Ici dans la tête des gens, le vin n’a aucune valeur. Certains peuvent dire qu’on profite, mais le combat de ma génération, ça ne sera pas les appellations… »
Où trouver les vins de Grégoire Aubrun, domaine le Chapitre ?
(liste non-exhaustive)
- Gaillac : La Gabare, 5 Rue Saint-Pierre, 81600 Gaillac - 06 33 91 10 81
- Paris : La cave de Belleville, 51 Rue de Belleville, 75019 Paris - 01 40 34 12 95
- Paris : Rock Bottles, 22 Rue du Ruisseau, 75018 Paris - 09 52 17 84 43
- Marseille : La Source, 139 Bd Chave, 13005 Marseille - 06 65 20 85 28
- Lyon : JajaPower, 5 Quai Fulchiron, 69005 Lyon - 07 81 80 20 21
- Nantes : Maison Jaja, 14 bis Rue de Mayence, 44000 Nantes - 06 27 16 32 49
Les cuvées du domaine Le Chapitre
Les blancs 21 (négoce)
- Tezeta 2020, un mauzac de (petite) macération, pour laquelle Grégo¬ire a cherché la fraîcheur.
- La Ruée, un vin « de soif » à partir du cépage loin de l’œil ou lendelel.
Les rouges 21 (négoce)
- Rebiscoulé,(« requinqué » en occitan), un assemblage de syrah-merlot-braucol, à partir de raisins en conversion (2e année) issus de la région gaillacoise.
Les rosés 21 (négoce)
- Nom d’oiseau, un assemblage de syrah-sauvignon, raisins en conversion C2, issus de la région.
Les rouges du domaine le Chapitre
- Omnibus, un assemblage de tous les cépages du domaine (mauzac, le loin de l’œil ou lendelel, duras, gamay), vinifiés séparément.
- Ras des Champs, à partir de raisin duras.
- Jamais Navigué, duras et gamay.
Les bulles du domaine le Chapitre
- Le Mot Juste 2020, pétillant naturel.